Rentrée Littéraire 2022 - Vivre sans bruit

Pour cette Rentrée Littéraire 2022, l’équipe Charleston est très heureuse de vous dévoiler un de ses coups de cœur : Vivre sans bruit de Samar Seraqui de Buttafoco. Un coup de cœur qui, nous l’espérons, vous intriguera et vous plaira autant qu’à nous.

« Quel mot ? Quel récit ? Quelle poésie pourrait boucher ce trou dans ma tête ? Mon cahier de vocabulaire s’est vidé, et cela bien avant l’explosion. Je continuerai à faire l’économie des mots. Je choisirai uniquement de vivre, je sais si bien le faire. Je souris, je mange, je danse, je dors et je pleure. Dans cet ordre, comme je l’ai appris, j’organiserai mon existence. »


Entre la Palestine, Beyrouth, le Sud-Liban, la Côte d’Ivoire et Paris, Samar Seraqui de Buttafoco entrelace la petite et la grande histoire, l’intime et le collectif. Elle explore ce qui se passe quand on sort de sa condition et restitue la vie sans bruit des femmes – celle de sa mère, la sienne.


Dans une langue maîtrisée, puissante et sans pathos, son premier roman est une invitation à cheminer vers notre propre liberté.

 

Vous avez envie d’en savoir plus ? Samar Seraqui de Buttafoco a répondu à nos questions sur son premier roman.

 

Qu’est-ce qui a déclenché l’envie d’écrire maintenant, après vous être tue pendant longtemps ?

Y a-t-il eu un déclic particulier ?
L’assassinat de ma maman d’une balle dans la tête le 11 septembre 2004 est une douleur intime. Je continuerai à la taire. Je n’en parlerai pas. C’est un choix. Le coeur bat parfois plus vite, il résiste aussi. Il y a quelque chose de court et de facile dans la rhétorique que je n’aime pas. L’écrire, c’est autre chose. La mort est un fait de société. Le port de Beyrouth a explosé le 4 août 2020. J’ai été contactée par une « grande » maison d’édition, pour écrire un texte sur Beyrouth. J’ai été flattée. Mon nom figurerait aux côtés d’écrivains et personnalités. J’ai écrit « Beyrouth, c’est Beyrouth ». Rien d’autre. J’ai décliné la proposition. L’année est passée. J’ai écrit.

 

Pourquoi avoir fait le choix de la littérature pour raconter votre histoire ?
Pensez-vous que la littérature permette de dire l’indicible ?
On est seul quand on écrit. La littérature ne permet pas de dire l’indicible, avec elle, on met chaque mot à sa place. Être confronté à sa voix intime demande de la discipline. Écrire est une épreuve sur table, ce n’est pas un déversoir d’émotions. Les expériences les plus intimes et douloureuses ne sont pas retranscrites dans ce premier roman, elles ont alimenté mon propos. Je n’ai pas pensé le personnage de ma maman comme une héroïne, j’ai choisi sa dimension humaine. Elle s’appelle ma maman. Ce vécu m’a permis d’aller à l’essentiel. Tout passe dans la vie. L’écrit reste. Dans la littérature, le réel n’a pas le dernier mot, l’écrivain choisit le dernier mot. Il articule et décide du point final de l’histoire. C’est jouissif.

 

Comment se construit-on lorsqu’on est baignée dans autant d’héritages
et d’injonctions différentes, voire contradictoires ?
Je ne sais pas. C’est une question que je ne me pose pas. Je dirais peut-être que cela m’a rendue extrêmement attentive. Ces distances m’ont forcée à me questionner. Le questionnement est un poste privilégié. L’exil aussi. Je me dis souvent à moi-même que je suis de pensée française, dans sa valeur fondatrice, la liberté. J’ai appris à penser par moi-même, désormais je pense contre moi-même, au-delà de mon héritage et de la nation qui m’a accueillie. La compréhension du monde est institutionnalisée. Les appartenances ne sont que d’ordre sociétal. Mon identité demeure ailleurs. Je suis contre la peine de mort, je l’ai acté. Je suis humaine. Je suis animale. J’habite un corps. La question de mon second roman.

 

Un grand merci à Samar Seraqui de Buttafoco pour ses réponses.


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